« Beurre ta tartine »
Tous les médias en font leurs choux gras : « Nous allons manquer de beurre ! »
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Après avoir été vilipendé comme un facteur favorisant les risques cardio-vasculaires, le beurre revient en odeur de sainteté , encensé par les nutritionnistes pour ses apports bénéfiques en acide gras et sa teneur en vitamines. Si l’on ajoute le retour en grâce (pas en graisse et encore moins en Grèce) de la cuisine faite à la maison avec des aliments sains, on a là une partie de l’explication. Les Asiatiques s’en mêlent et se mettent aux achats.
Par peur de pénurie, les consommateurs stockent et voilà que la demande dépasse la production. Le beurre est passé de moins de 3 000 € il y a un an à près de 7 000 € sur le disponible. Les contrats passés avec les grandes surfaces au mois de février dernier n’avaient pas prévu cette envolée. Les GMS ne voulant pas augmenter leurs tarifs, les transformateurs vendent au plus offrant, d’où la pénurie dans les magasins, surtout les marques MDD. Logique puisque ce sont celles qui rémunèrent le moins le transformateur.
Pourquoi le prix de notre lait n’augmente-t-il pas ? Parce que dans un litre de lait départ ferme, il y a en moyenne 40 g de MG, 32 g de MP, 9 g de minéraux, 50 g de sucre et le reste, c’est de l’eau. Il faut environ 20 l de lait, soit 820 g de MG pour un kilo de beurre, le reste est constitué de sel et d’eau. Avec le reste du lait, les transformateurs fabriquent de la poudre de lait déshydratée 0 %. Et c’est là que le bât blesse !
En 2016, nous avons connu un excédent de lait. Le très libéral commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, a voulu « laisser faire le marché » et n’a pris des mesures de régulation volontaire qu’à l’automne 2016. Résultats : 370 000 t de poudre de lait en stockage public, plus 50 000 t en stockage privé. Sans les atermoiements du commissaire, et en déclenchant la régulation dès le printemps 2016, le coût pour la Commission eut été le même et nous n’aurions pas les stocks. La valorisation beurre-poudre donnerait un prix du lait proche de 370 €.
La vieille rengaine « Faut-il revaloriser le point de MG ? » revient dans les négociations. Sachez que même avec la génomique, il faut dix ans pour obtenir le plein effet d’un choix stratégique dans un troupeau. Pendant la crise de 2008, le beurre ne valait rien et certains voulaient le mettre dans les méthaniseurs car il a un très fort pouvoir méthanogène. Un peu de constance serait la bienvenue.
Depuis un moment, nous expliquons en vain aux transformateurs qu’à force de payer le lait une misère , ils vont en manquer, eh bien, c’est en train de se réaliser. Rassurez-vous, les grands privés comme Lactalis et Savencia, qui savent tirer la valeur des protéines et des minéraux par le cracking du lait, fabriquent peu de poudre. Ils ont en plus la capacité de réorienter la production vers le fromage. Et ils continuent de mettre du beurre dans leurs épinards. L’éleveur et le consommateur, eux, se serreront la ceinture et la bûche de Noël sera un peu maigre.
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